Aujourd’hui, clichés et spéculations règnent en maître dans le milieu horloger. Entre sportifs arborant des montres à plusieurs milliers d’euros et jeunes cadres dynamiques rêvant du jour de l’achat de leur première Submariner, la noblesse de la science horlogère tend à se faire oublier, tout comme son origine.
Revenons donc un peu en arrière afin de comprendre l’arrivée de la montre dans nos chaumières, ou plutôt sur nos poignets. Historiquement, l’apparition de la montre-bracelet est attribuée aux ateliers Jaquet Droz. Œuvre fine, le premier réel « bijou » prenant l’allure d’une « montre pour bracelet à répétition » (si l’on s’en fie à l’historique de commande de la maison Breguet) a été commandé par la Reine de Naples en 1810. Toutefois, nous trouvons des traces du concept bien avant dans l’histoire.
C’est à partir du XVIe siècle, aux alentours de 1510, que les premières ébauches de la montre-bracelet furent découvertes, en particulier grâce au travail de l’allemand Peter Henlein. Cependant, la montre restait un objet de niche, rencontrant peu de succès, au détriment des bijoux ornementaux, signes historiques de richesse. À cette époque, la montre était l’objet, non le bijou.
Le tournant de la popularité de la montre n’intervient qu’une trentaine d’années plus tard, en 1541, lorsque le réformateur Jean Calvin interdit le port des objets ornementaux. Les joailliers, suisses notamment, se retrouvèrent alors dépourvus de clientèle et furent contraint de se renouveler… C’est de là que naquit l’intérêt des bijoutiers pour l’horlogerie de précision.
Très rapidement, les joailliers suisses se livrèrent à une course à l’horlogerie, créant ainsi la plus grande manufacture d’Europe. La compétition était tellement rude que beaucoup fuirent la région genevoise pour s’installer le long de l’arc jurassien. En 1790, la Suisse exportait déjà plus de 60 000 montres par an.
Mais la première montre-bracelet restait, dans l’idée commune, un objet de femme. En témoigne le présent réalisé par le comte de Leicester à la Reine Elisabeth, première dame à porter de manière usuelle des montres-bracelets (bien que ces objets n’eussent pas encore la qualification de « montres »).
Jusqu’alors, la montre-bracelet est, vous l’aurez compris, un bijou de femme. La première montre-bracelet qui sera conçue spécialement pour un homme est le fruit de l’imagination de Louis Cartier. Sur demande de son ami, l’aviateur Santos-Dumont (vous comprendrez l’origine du modèle iconique de la marque), Cartier va imaginer un instrument professionnel permettant aux aviateurs de consulter leur montre de la manière la plus aisée en vol. Ainsi naquit en 1904, le modèle Santos, montre alors réservée à l’élite du XXe siècle.
Il faudra attendre la démocratisation de celle-ci, notamment par Rolex et son génial fondateur, pour qu’elle devienne un réel objet d’homme, après la Première Guerre Mondiale, notamment dans un souci de praticité. Cette dernière a été immédiatement identifiée par Hans Wilsdorf, lequel a conçu des montres alors particulièrement étonnantes de fiabilité et de résistantes, adaptées aux mœurs de l’époque. La Oyster devient alors, en 1926, la première montre-bracelet produite en série et étanche
Pour conclure, c’est finalement à Calvin que doit revenir la paternité de la montre-bracelet. Du moins, il en a été la cause. Hans Wilsdorf et son génie n’ayant que fait le reste. Mot de la fin : rendons à Calvin ce qui est à Calvin (sans pensée politique ou théologique aucune évidemment) !